Le Printemps du vautour.
Le coup de la béquille, c'était du bluff. Ça faisait un moment que Gonzo surveillait le manège du clodo de la gare. Assis sur le dallage à l'entrée de l'escalier du métro, dans le vent froid et humide, il guettait. Au passage d'un client potential, qui sentait le fric ou la compassion, il martelait de sa canne métallique la surface lisse du granit, tout en faisant semblant de se relever.
La courroie qui retenait la lourde caméra vidéo sciait l'épaule de Gonzo. Un groupe de skins tatoués remonta en braillant l'escalier roulant. Le Père-la-béquille se recroquevilla et fit le mort wb attendant que la bande ait disparu à l'intérieur de la gare. On devinait la grisaille du ciel à travers les coupoles en Plexiglas du parvis. Vagabonds et mendiants tentaient d'éviter les boîtes de bière vides et les journaux chiffonnés que la bise glacée de mars balayait jusqu'aux piliers de béton.
(Traduit de l'allemand par Jean-Paul Schweighaeuser).